Biographie > Préambule
égende vivante, Maria Callas, après s'être "momentanément" retirée de la scène en 1965, n'a, au début des années 70, rien perdu de sa superbe, et refuse net toute "nuit du 4 août". Officiellement, l'illustrissime soprano se repose. En vérité, la diva des divas travaille. En secret, elle croit toujours à un possible retour. Ne lui faut-il pas convaincre le public et surtout se prouver à elle-même qu'elle est toujours "l'unique" face à une génération montante que - ironie du sort- on adulerait moins si elle-même n'avait pas réinventé le mythe de la cantatrice ?
"Je ne fais pas confiance à la gloire !" déclare-t-elle au cours d'une interview significative de son état d'esprit. Jusqu'à 1972, toutes ses tentatives de remonter sur scène avortent. Le temps passe… les projets avec. Callas trompe le temps d'abord avec des master classes à la Juilliard School de New-York, mais l'expérience la laisse insatisfaite ; puis avec une tentative de mise en scène, mais les Vêpres siciliennes de Verdi, montées pour l'inauguration du nouveau Théâtres Tegio de Turin, n'apportent pas la satisfaction artistique escomptée. On peut avoir au plus haut degré le sens de la scène sans pour autant savoir le transmettre aux autres.
Enfin en 1973, à quarante-neuf ans, c'est le retour. Après une première annulée à Londres, la série de récitals avec piano en compagnie du ténor Giuseppe Di Stefano débute le 25 octobre à Hambourg. Elle se poursuivra de Madrid à Amsterdam, de Paris à New-York pour s'achever le 11 novembre 1974 à Sapporo au Japon. Rayonnante, Callas ne sort de sa retraite que pour mieux y retourner.
Les fans sont conquis d'avance : les trente-huit rendez-vous de Callas à travers le monde se déroulent devant ses "enfants" réunis dans un même délire collectif, d'autant plus grand que, pour nombre d'entre-eux, c'est la première fois qu'ils entendent leur idole en direct. Malentendu ? Non, geste de reconnaissance.
Mais au-delà des triomphes et des brassées de fleurs, force est de constater que la voix de Callas n'est que la trame torturée, l'ombre déchirée et douloureuse d'un passé pourtant proche. Pas du tout satisfaite d'elle-même, Callas travaillera encore et toujours. Mais le miracle se refuse, l'acharnement sera vain. La voix de la diva est un puits tari.
En 1976, plus d'illusion, plus d'orgueil, Callas capitule. Un soir, elle avoue à sa sœur, au téléphone, ce qu'elle cherchait de toutes ses forces à se cacher : "J'ai perdu ma voix. Il ne me reste qu'à mourir." Dans sa biographie intitulée Sisters, Jackie Callas relate cette triste conversation où l'aînée tente en vain d'apaiser l'âme tourmentée de la cadette :"Par ton passé prestigieux, tu as métamorphosé, révolutionné l'art lyrique, ton nom est déjà passé à la postérité. Ne peux-tu vivre ta retraite en toute quiétude ? Me retirer ! Moi! Mais pourquoi? Pour faire quoi? Que faire si on ne travaille pas ?" Tous les démons de l'enfance de Callas resurgissent ici. "Sans ma voix, qui suis-je ? "; le but de l'existence entière de la diva se résume dans cette interrogation.
"Ce n'est pas de mourir qui est triste…c'est de vivre quand on n'est pas heureux." Pour paraphraser la pensée d'Octave Mirbeau, une Callas encore jeune mais trop longtemps muette s'éteindra dans son appartement parisien, seule, lasse et surtout inutile. Celle que les italiens surnommaient au sommet de sa gloire la Divina et qui était devenue "la solitaire de l'avenue Georges Mandel" a rejoint les légendes du siècle. Le 16 septembre 1977, à 13h30, tombe le rideau final d'une vie de controverses, un soap opéra maquillé en tragédie grecque en quatre actes mais sans unité de lieu ni de temps. New-York, Athènes, Milan et Paris ont servi de cadre à son existence. Quatre personnages ont tiré les ficelles : Evangelia Calogeropoulou, sa mère; Elvira de Hidalgo, son professeur; Giovanni Battista Meneghini, son mari; et enfin Aristote Onassis, son destin…