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ne année de rêve, un sommet artistique dont rêvent toutes les cantatrices. Si l'on excepte en Italie quatre représentations de Medea à l'Opéra de Rome - bousculées par les pro-Tebaldi en janvier -, une Norma légendaire en version de concert pour la RAI en juin, à l'étranger les deux éblouissantes Lucia di Lammermoor avec Karajan au Deutsche Oper de Berlin - alors Berlin Ouest - et Chicago, pas besoin, lorsqu'on est la plus célèbre diva au monde, de courir de droite et de gauche.

Sur un total de quarante-huit représentations cette année-là, elle consacre trente-quatre soirées pour cinq rôles à la Scala. Pourtant, l'année s'engage mal ! Avant les répétitions du Trouvère, première œuvre que Callas doit interpréter cette saison à Milan, le ténor Mario Del Monaco décide qu'il est trop souffrant pour chanter Manrico, mais pas assez cependant pour renoncer à la Scala si celle-ci lui propose Andrea Chenier, l'opéra de Giordano !

A ce stade, Callas sait parfaitement que son métier est le bel canto romantique. Prête à aider sa Scala, Maria accepte d'interpréter Madeleine de Coigny, la jeune aristocrate éprise de Chénier, et mémorise le rôle en cinq jours. Petite alarme, on constate le soir de la première, le 8 janvier, que la texture de sa voix devient plus légère, plus transparente, moins puissante en volume... Ce rôle vériste, apanage de Tebaldi, vaudra à Callas les foudres des partisans de la cantatrice italienne, d'autant que durant sa carrière milanaise Callas refuse - à l'inverse de nombre de ses prestigieux collègues - tout soutien de la claque !

Callas facilite la tâche de ses détracteurs en craquant sur un si bémol! Pourtant, son travail est remarquable, il ouvre une nouvelle perspective à ce type d'opéra en effaçant les interprétations " viscérales " que la tradition prenait alors comme référence. En affirmant qu'elle ne voulait pas de metteur en scène d'opéra mais un metteur en scène tout court, Callas touche le jackpot. Elle et Visconti vont écrire une des plus grandes pages de l'histoire lyrique : la Somnambule.

Visconti était devenu son Visconti, elle le rabroue même s'il fait mine de vouloir prendre un café avec le chef d'orchestre Leonard Bernstein. Elle est obsédée par son tour de taille, il ne doit pas dépasser 51 centimètres ! Quelle revanche sur toutes ces années de complexes! A la ville, pour répéter, Callas porte un corset, mais paradoxalement elle se gave durant les répétitions de marrons glacés! Visconti va utiliser, mettre en valeur ce tour de taille magique. Par sa taille, Callas ne peut prétendre incarner la petite paysane frêle qu'est amina la somnambule de l'oeuvre de Bellini :,Visconti invente pour Callas un personnage de ballerine parée de bijoux et couronnée de fleur comme une Taglioni au XVIIIe siècle.

Ensemble, ils remettent en lumière une époque perdue, divine et mélancolique. Pour être en mesure de se diriger les yeux fermés jusqu'à un divan situé de l'autre côté de la scène, Callas demande à Visconti d'y déposer sa pochette imprégnée d'un parfum de chez Penhalligon, le fournisseur de la reine d'Angleterre. La douce effluve la guidera !

Callas travaille sans relâche, mais tout a un prix, et son organisme ne peut supporter un simple furoncle au cou. Elle est forcée de s'aliter, on doit repousser la première de quinze jours. Mais c'est reculer pour mieux sauter. Un tonnerre d'applau-dissements s'abat sur les jubilantes mesures finales de la caballette d'Amina " Ah, non giunge ". Quelle revanche sur le destin ! Callas avait en mémoire ce jour où, à Athènes, elle chantait Suor Angelica, alors que les autres élèves d'Elvira de Hidalgo interprétaient cette même Somnambule dont elle avait été écarté à cause de ses formes...

Puisque Callas consacre presque exclusivement ses activités à la Scala, Meneghini décide de céder l'appartement de Vérone pour acheter à Milan, 44 via Buonarroti, une villa avec jardin qui tient en vérité du petit palais. Plusieurs serviteurs s'y affairent: gardien, cuisinière, domestique, femme de chambre et jardinier. L'influence de Visconti déborde la scène et se reflète lorsque Maria aménage avec l'aide du designer Tamaglini sa demeure où tout n'est que beaux meubles antiques, tentures et peintures Renaissance ; mais la maison est régie au doigt et à l'œil.

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Le film romantique de William Wyler, "Vacances romaines", fait forte impression sur Callas. Plus que la charmante bluette du scénario ou la musique de Georges Auric, c'est l'actrice Audrey Hepburn qu'elle admire. Maria veut adopter sont look de modèle BCBG et veut encore perdre du poids!

Protégé et collaborateur de Visconti, Franco Zeffirelli, alors à l'aube de sa carrière, doit mettre Maria en scène dans une nouvelle production du Turc en Italie pour laquelle il dessine de délicieux décors et costumes. Callas fera modifier les croquis des robes napolitaines parce que la taille est trop haute, ce qui la grossit...

L'image que Zeffirelli retient de la Callas de cette période est celle d' " une femme pas toujours drôle qui se prenait très au sérieux, ce qui me posait quelques problèmes. Pas facile de tourner cette tragédienne-née en comédienne ". Zeffirelli utilisera quelques subterfuges. Parce qu'il sait le fort penchant de Maria pour les bijoux, l'idée lui vient de parer le Turc de l'opéra de Rossini de joyaux : Callas les lorgnera durant les représentations pour le meilleur effet comique...

Le résultat, sous la direction de Gavazzeni, est un enchantement, l'opéra un délice... Visconti en prend ombrage. Callas a tant attendu sa grande Traviata. Avec Visconti, le rêve devient réalité, il monte l'opéra de Verdi pour elle. "Je n'ai pas cherché à me faire plaisir. On se doit de servir une Callas ! " Lila de Nobili (la géniale décoratrice et costumière) et moi avons d'un commun accord changé la période de l'action pour la situer vers 1875. Pourquoi ? Parce que dans les tournures des robes de cette période, Maria paraîtrait merveilleuse. " Le soir du 28 mai, leur Traviata entre directement dans la légende de l'art.

Les débuts américains de Callas ont grandement contribué a établir la réputation du Lyric Opera dès la première saison de la compagnie, née l'année précédente en février 1954. Après deux mois consacrés aux enregistrements des intégrales EMI de Madame Butterfly, Aïda et Rigoletto réalisés à la Scala, Callas retrouve donc Chicago pour sa seconde et dernière saison. Après de mémorables Puritains, Leonore du Trouvère, Callas chante là les uniques Butterfly de sa carrière. Le succès de Callas est tel qu'elle accepte une représentation supplémentaire de l'opéra de Puccini lorsque le passé resurgit sous les traits de Richard Bagarozy, l'avocat qui lui avait permis de faire ses débuts à Vérone en 1947.

Meneghini s'était souvent inquiété des clauses d'un document que sa femme avait signé alors avec Bagarozy, le faisant clairement apparaître comme l'agent exclusif de Maria Callas pour les dix années à venir. Ce faisant, Bagarozy percevrait 10 % du montant des cachets futurs de Callas. Dans le tourbillon de la carrière, la distance aidant, Bagarozy, qui ne s'était jamais plus occupé des affaires de Callas, ne semblait pas une menace jusqu'à cette année. Prudent, Meneghini demande dans le contrat de sa femme avec Chicago une clause qui stipule que Maria doit être protégée de la présence de Bagarozy, au cas où...

Sûre d'elle, Callas propose aux directeurs du Lyric Opera venus la voir à Milan d'engager aussi Tebaldi en même temps qu'elle pour que le public puisse les comparer. Carol Fox et Lawrence Kelly vont réussir ce tour de force. Sur place, Callas ira applaudir Tebaldi dans la Bohème et Aida, Tebaldi reste dans sa chambre les soir où Callas chante. La raison pour laquelle la codirectrice du Lyric Opera, Carol Fox, autorisa l'entrée de la scène aux représentants de la justice reste inconnue. La loi américaine stipule qu'il ne peut y avoir de poursuite avant que la plainte ne soit remise en main propre à l'accusé. Callas est l'accusée.

Brandissant son document, Bagarozy réclame 10 % de l'ensemble des cachets de Callas depuis 1947 ! Une fortune. Après quatre années de procès, Callas et Meneghini passeront un arrangement financier avec Bagarozy, après que celui-ci eut produit une correspondance qui laisse clairement apparaître un lien amoureux entre Callas et lui.

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